Rencontres

Roger Baltus – Responsable Communication VM ZINC

Premier fournisseur de zinc en France

Production de Zinc depuis 180 ans

 

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

En deux mots, je suis Belge d’origine et toujours Belge de nationalité. J’ai fait des études d’ingénieur architecte, une formation mixte, ingénieur bâtiment et architecture. L’équivalent en France correspond à l’école l’ENSAIS de Strasbourg qui forme le même type de profil. Je ne suis pas entré à la Vielle Montagne, à l’époque parce VMZINC s’appelait comme ça, tout à fait par hasard puisque mon père y travaillait. Mon père n’était pas dans le bâtiment mais à l’approvisionnement des minerais et a notamment travaillé dans les années 60 sur une automatisation des processus avec les premiers ordinateurs. J’ai donc entendu parler de l’entreprise par lui mais pas dans le bâtiment. C’est à l’occasion d’un stage en entreprise à la fin de mes études que je suis venu à Paris et que je suis tombé dans l’univers du zinc. Au départ, je n’avais vraiment pas l’idée d’y rester mais j’ai tout de suite noté la force de l’entreprise et de sa culture. Je suis rentré au départ dans un service de R&D dans lequel j’ai travaillé sur les premiers systèmes de façades. Je ne pensais pas rester dans l’industrie et revenir à l’architecture mais tous les trois ou quatre ans j’y ai pris de nouvelles fonctions. J’ai été chef de produit couverture et ai amené le point de vue des architectes dans l’entreprise. Puis, j’ai pris une fonction en marketing qui m’a permis d’avoir une réflexion plus globale sur toute l’offre. De fil en aiguille, on m’a laissé prendre des fonctions commerciales donc j’ai été directeur commercial du marché Français, le plus important de l’entité à la fin des années 90. Puis j’ai pris une direction commerciale européenne, et ensuite, suite des des discussions avec un nouveau patron qui venait d’arriver, j’ai travaillé à la réflexion prospective. Nous avons mené une réflexion de business développement et avons chercher comment nous déplacer sur de nouveaux segments comme le solaire, par exemple, ou encore sur un sujet qui nous tenait à cœur, la collecte des eaux de pluies et sa réutilisation à l’intérieur du bâtiment et sur la façade en particulier. A l’époque, cela a débouché sur une tentative de créer une filiale de façades architecturales, tentative aujourd’hui revue à la baisse. J’ai été un peu vite ; j’ai proposé de sortir même du zinc et de travailler d’autres matériaux nobles : l’acier, l’inox, le cuivre, etc. Et là ça a été plus délicat.

 

Si je devais résumer, j’ai amené mon point de vue et ma compétence d’architecte, je reste un architecte avant tout, à une entreprise industrielle de manière à faire ce lien entre la logique prototype de l’architecte et la logique de série de l’industriel. Il existe des différences de points de vue, l’industriel voit l’architecte comme quelqu’un de délicat à gérer et l’architecte voit l’industriel comme quelqu’un qui va réduire sa capacité de création car il a des contraintes à imposer. Le dialogue doit se faire très tôt et c’est le massage que j’ai fait passer dans mon entreprise. Plus on est tôt dans la réflexion de l’architecte, plus chacun peut présenter ses limites et objectifs. C’est la raison pour laquelle quand j’étais directeur commercial France on a monté la première force de prescription. C’est à dire que nous avions des prescripteurs qui allaient trois ou quatre ans avant la vente réelle du zinc amorcer le suivi d’affaires. C’est l’un des plus pour lequel on développe beaucoup de moyens. Sans être modestes, nous sommes certainement parmi les quatre ou cinq industriels qui ont la meilleure approche vis-à-vis des architectes car très en amont. On est dans une logique d’écoute et d’accompagnement jusqu’à la prescription du produit. C’est ce qui nous a permis en une trentaine d’années de passer d’un produit qu’on peut appeler technique, quand le zinc était encore naturel et se mettait sur les terrassons, à un produit architectural maintenant patiné, coloré et qu’on fait descendre sur les façades. Rôle d’interface entre les archis et l’entreprise entre la RD et le commercial, je me rends compte qu’il faut de l’huile dans les rouages des entreprises.

 

« je reste un architecte avant tout »

 

 

Y-a-t-il des liens historiques entre VMZINC et la Ville de Paris ?

Oui, c’est même une évidence. On a fêté, en 2015, les 200 ans de la première application du zinc. Le zinc a été industriellement produit ou développé dans les années 1806-1810. La première application de ce zinc en tant que matériau pur, industriel remonte à 1811 à Liège en Belgique à l’époque où elle était encore sous domination française, pendant le Premier Empire. L’industriel qui a développé ce processus de transformation a malheureusement fait faillite et a été racheté par un industriel bruxellois qui avait déjà des affaires à Paris. C’est lui directement qui a transposé cette application « bâtiment » du zinc à Paris.

A l’époque, Paris n’avait pas des toits à mansardes comme Haussmann les a imposés. C’était des toits à fortes pentes en tuiles. On sait que les premières applications ont été faites sur des petits bâtiments modestes mais ça a assez vite débouché sur des réalisations plus importantes, notamment les premières toitures à l’impériale de la rue de Rivoli dans les années 1820-25, datent de cette époque. Le lien avec Paris s’est donc fait quasiment directement grâce à cet actionnaire qui s’appelait Mosselman qui avait des activités en France et qui a assez rapidement, par des acquisitions, déployé des moyens industriels pour alimenter Paris. Par exemple, on fête les 180 ans de l’usine de Bray-et-Lu dans le Val d’Oise : c’était un petit laminoir qui a été transformé pour laminer du zinc pour approvisionner la ville de Paris. L’amorçage très clairement de l’utilisation du zinc en couverture s’est fait grâce à Paris qui était d’ailleurs un microcosme. A part, Brest il y a peu de villes qui ont autant de zinc sur les toits. Le lien est historique.

 

Quelles sont les propriétés pratiques et esthétiques du zinc qui expliquent le choix de ce matériau à Paris 

Au XIXème, le zinc débarque dans l’histoire des matériaux : il n’existait que très peu avant, même si on peut retrouver quelques utilisations dans l’antiquité. En tout cas, industriellement parlant, il arrive et est disponible en quantité suffisante pour permettre la comparaison avec d’autres matériaux. Assez rapidement on prend conscience qu’il est plus léger que le plomb, moins couteux que le cuivre et qu’il peut se poser sur des pentes beaucoup plus faibles que la tuile ou l’ardoise. C’est ce qui a fait le succès du zinc à ce moment-là ; le produit est donc tout de suite mis en évidence. Par exemple, on a le devis du deuxième toit fait en zinc, c’est celui de la cathédrale Saint Paul à Liège. On remarque que le couvreur donne à l’évêché les arguments pour utiliser le zinc et non le plomb. Il donne toute une série d’éléments par rapport aux assemblages, à la souplesse, etc. En revanche, à l’époque, la mise en oeuvre se fait exactement comme le plomb avec des joints roulés. On est dans l’imitation de la technique avant qu’émergent en 1830-1840, les techniques propres au zinc.

Le zinc présente des qualités évidentes de malléabilité, il peut être assemblé et surtout la grande qualité qui en a fait un matériau apprécié des installateurs, c’est sa soudabilité. Avec le soudo-brasage, on amène un métal d’apport, un mélange d’étain et de plomb, on garantit une soudure aussi durable et solide que le matériau lui-même. Le plomb se soude mais c’est très difficile sur un chantier, l’aluminium, encore plus, car il se colle ou se rivette.  Le zinc a cette capacité à être soudé et cela a contribué à sa mise en œuvre dans toute la singularité et complexité des toits parisiens. Et Dieu sait s’il y en a.

 

« Assez rapidement on prend conscience que le zinc est plus léger que le plomb, moins couteux que le cuivre et qu’il peut se poser sur des pentes beaucoup plus faibles que la tuile ou l’ardoise. C’est ce qui a fait le succès du zinc à ce moment-là »

 

Il y a un bon nombre d’avantages au-delà même de la durabilité. Le zinc se patine, s’auto-protège. Les investisseurs et propriétaires ont assez vite compris qu’en termes de maintenance et de durabilité, on se trouvait dans le haut-de-gamme et qu’ils pouvaient valoir le coup de payer un peu plus cher au moment de l’achat.

Ces qualités sont apparues assez rapidement et finalement l’usage a Paris a été un accélérateur pour l’usage en France et même en Europe. Il faut savoir que l’utilisation en gouttière a été imposé par Haussmann par un arrêté préfectoral. Donc voilà un usage du zinc qui ne remplaçait pas grand-chose avant. L’eau coulait des toits et tombait dans la rue sur le pavement. D’ailleurs, beaucoup de couvreurs disent encore pour parler d’une gouttière une dalle : « Mets moi 20 mètres linéaires de dalles ». La dalle représentait en fait les pierres au sol dans la rue sur lesquelles l’eau tombait directement. Pour éviter ce problème d’insalubrité et notamment les coulures sur les façades, Haussmann, certainement conseillé par des gens de la Vieille Montagne, notamment l’épouse de l’ambassadeur de Belgique, la fille de Mosselman. Il y a eu donc une certaine forme de lobbying et on a imposé les gouttières en zinc sur les façades, ce qui a fait exploser le marché. Le zinc a cru de quelques dizaines de pourcentage en une décision.

 

Pensez-vous que le zinc soit toujours d’actualité pour Paris ?

Plus que jamais. D’abord le zinc c’est l’identité de Paris, avec la pierre des façades. En une image, même sans mettre la Tour Eiffel, vous montrez un immeuble haussmannien classique à un touriste mexicain, chinois ou américain, il reconnait tout de suite Paris. A part New York ou Venise, il y a très peu de villes qui ont cette identité. On a la faiblesse de croire que l’identité est liée au zinc, à sa couleur, à sa forme donc cela fait partie des éléments d’actualités qui sont simplement la prolongation d’un usage traditionnel.

Le zinc, on le constate dans les prescriptions actuelles, permet de faire des liens entre l’ancien et le nouveau comme, par exemple, au travers des surélévations. En effet, la densification dans les villes européennes se fait par le rajout d’étages supplémentaires ou de logements en superposition et Paris ne fait pas exception à cela. Et évidemment, dans des contextes aussi typés, aussi traditionnels que ceux de ces villes, cela entraine des débats avec les autorités, avec les architectes des bâtiments historiques. Si on vient avec des matériaux trop connotés « modernes » comme l’aluminium ou le béton, cela rend les projets compliqués. Si l’on habille de zinc, ça passe. C’est assez incroyable, le nombre de projets d’extension de bâtiments traditionnels, extensions latérales ou par le haut, qui passent grâce au zinc. Parce que le zinc, au niveau de sa couleur et de sa patine et des techniques traditionnelles à tasseau et leurs lignes parallèles induisent une intégration quasi naturelle. Les architectes aiment bien, les architectes des monuments historiques aussi. Et on voit que de ce fait là, on gère une forme de continuité naturelle entre toiture et façade, continuité entre traditionnel et neuf, continuité centre-ville-banlieues. Il y a vraiment une capacité du produit à gérer ce type de transition. C’est d’ailleurs un des thèmes de réflexion engagés pour l’anniversaire de l’entreprise.

 

Peut-on dire que le zinc utilisé depuis 200 ans pour les toitures est en quelques sortes aujourd’hui détourné de son utilisation première ?

Oui et heureusement. On pourrait rester sur des techniques traditionnelles, le toit à mansardes avec des tasseaux. Bien sur cela reste l’image de référence mais connotée XIXème. A la fois les techniques ont évolué, le tasseau qui donne cette nervosité aux toits parisiens est remplacé par le joint debout beaucoup plus fin et discret et qui permet de gérer des formes un peu plus compliquées comme des formes arrondies, ceintrées. Finalement, le développement de solutions avec différents types de systèmes permet d’aborder des structures visuelles ou des textures différentes. Comme, par exemple, en actualisant le principe des écailles. Vous avez pu voir dans Paris des coupoles faites avec des écailles souvent en ardoise mais aussi en zinc. On peut voir que les écailles donnent des aspects beaucoup plus lisses et permettent de gérer des formes très complexes, comme des doubles courbures, qu’on a dans des projets très modernes. Oui, il y a une actualisation.  La souplesse du matériau et la capacité des installateurs à le mettre en œuvre dans des nouvelles conditions montrent que le zinc a encore une vraie place dans les matériaux d’enveloppe. On le voit d’ailleurs dans les développements que nous faisons à l’international.

 

 

Quelles sont aujourd’hui ses propriétés environnementales ?

Grand sujet qui devient un sujet de plus en plus direct. Avant c’était un atout ou un avantage, aujourd’hui cela devient central quand on rentre dans des certifications environnementales. Le zinc a une caractéristique, c’est sa durabilité. Il arrive en fin de vie, entre 60 et 100 ans, on dépose même des toits parisiens qui ont plus de 100 ans. On a une coupole déposée en Angleterre qui date de 1882, c’est certainement le plus ancien bâtiment qu’on a, soit 140 ans. Outre la caractéristique de durabilité, la valeur résiduelle du matériau en fin de vie permet de le refondre et de le remettre en circuit. On peut le recycler : le zinc est recyclable mais surtout il est recyclé. Actuellement on a fait l’estimation moyenne en Europe : 96 % du zinc laminé et posé a une moyenne de vie entre 50 et 60 ans. Les gouttières du fait des crochets en acier tiennent un peu moins longtemps, les toits tiennent une centaine d’années. On recycle actuellement du zinc posé après la guerre et donc il a une valeur. Le couvreur le sait, il collecte, il ne laisse pas un gramme de zinc sur le chantier, il le récupère et cela couvre le bonus des ouvriers, c’est donc important.

La recyclable fait qu’on peut espérer à terme que l’industrie recycle. Les alliages des années d’après-guerre étaient un peu pollués notamment en cadmium qui leur donnait une plus grande souplesse. A terme, on va vers une réutilisation d’une majorité de zincs anciens dans les zincs neufs.

Par ailleurs, le zinc a point de fusion relativement bas donc l’énergie pour le produire et beaucoup moins élevé que pour l’acier et l’aluminium. On joue donc sur ces comparaisons importantes en termes de bilan quand on fait l’analyse du cycle de vie complet. Ces qualités-là permettent au matériau de se poser sur des projets internationaux qui imposent des certifications, par exemple, « Breeam » aux USA, ou Lead en Australie, sur l’énergie et la recyclabilité.

 

« Le zinc c’est l’identité de Paris, avec la pierre des façades. »

Selon vous, les toits de Paris servent-ils de vitrines au développement du zinc ?C’est une question un peu compliquée. Oui, il est évident que Paris renouvelle ses couvertures en zinc, le joint debout parfois remplace le tasseau mais globalement on reste sur des techniques traditionnelles. La tendance est quand même à ce que les bâtiments neufs notamment dans les arrondissements de périphéries ou même en banlieue se fassent avec des toitures plus mitigées. Il y a un retour du toit plat, il faut le savoir. Le zinc à Paris nous permet quand même à la fois de montrer notre produit et notre savoir-faire. C’est une vitrine, c’est vrai, notamment sur la couleur. On parle beaucoup de la patine du zinc et de ses couleurs. Quand on fait nos événements clients tous les deux ans avec 150 à 200 clients qui viennent du monde entier, des chinois, des américains, des australiens, etc. qui n’ont pas la culture du zinc mais qui viennent à Paris, on se positionne systématiquement dans des lieux avec vue sur les toits. Donc, Paris reste en effet, l’écrin du zinc et présente une capacité pour nous de montrer son impact et ses qualités.

Maintenant, ce qu’on aime beaucoup, c’est quand dans Paris, on fait des bâtiments modernes qui donnent au zinc l’image d’un produit qui sait s’adapter. Il y a des références parisiennes. Comme par exemple, Vasconi a fait le bâtiment du 57 Métal à Boulogne Billancourt, j’ai d’ailleurs participé à l’époque à la conception. Ca bâtiment là est gigantesque, c’est un bâtiment industriel. Il a voulu du zinc parce qu’on est à proximité de Paris et qu’il voulait faire de la qualité. Je me souviens qu’il avait dit lors de ses conférences : « J’ai, grâce à Renault, la possibilité de faire un bâtiment industriel avec des matériaux pérennes, de la brique, du verre et du zinc ». Il faut ce genre de bâtiments, pour pouvoir changer l’image du zinc.

On a fait, il y a peu de temps, la façade du BHV qui est une façade végétalisée avec au centre tout un environnement en cassel de zinc. C’est un zinc assez classique avec une belle force d’allure qui renouvelle l’image du matériau finalement. On fait aussi des surélévations qui ne sont pas forcément très grandes. C’est ce que j’appelle des « applications justes du matériau ». Ce n’est pas grandiloquent.  On utilise des techniques pour gérer des formes nouvelles, comme des formes parallepipédiques. Le zinc est utilisé sur la toiture presque à plat et l’on habille les rehausses, les extensions. On fait de très belles réalisations avec des systèmes qu’on appelle des bancs d’emboitement, avec des joints creux, des systèmes d’agrafages et surtout des couleurs. Cela renouvelle l’image.  Les gammes colorées qu’on a sorties ont un énorme succès. Quand je suis arrivé dans l’entreprise on disait : »le zinc, ce sont des nuances de gris. » Ce qui est vrai et quand on regardait Paris on disait même que le zinc avec ses patines et le cadmium avec une couleur bleutée. Je me souviens avoir rendu visite à un architecte à Tokyo qui était allé chercher ses croquis d’architecture de jeune étudiant quand il a fait son tour d’Europe et pour lui le zinc était bleu. On lui montrait donc nos gris, nos noirs, etc et il ne comprenait pas bien. Il y a une image dans l’inconscient collectif du zinc dans ces registres comme une couleur plutôt grise ou froide jusqu’au bleu.

Nous avons donc voulu amorcer la couleur, cela vient d’architectes qui nous disaient : « J’adore la couleur de la rouille sur le zinc, vous ne pouvez pas nous proposez de la couleur sans pour autant altérer la texture? » L’idée a été de maintenir la texture du zinc lorsque l’on a fait les tests de patine et de coloration. En effet, en regardant bien, le zinc est fibré, on voit encore la ligne du laminage dans la patine ce qui donne un aspect particulier qui le différencie des autres métaux. Les architectes étaient donc partants pour la couleur si l’on maintenait la texture fibrée, caractéristique du zinc. A quoi bon mettre de la couleur si c’est pour aseptiser le produit ? A partir de ces réflexions nous avons proposé des gammes colorées. Cela été plutôt bien accuelli, nous ne produisons jamais de couleurs pétantes. Le rouge est celle qui marche le mieux d’ailleurs, il a un aspect cuivré sans être une copie du cuivre. On ne va pas aller faire du vert de cuivre en zinc. On a des couleurs qui s’intègrent bien et qui passent très bien avec le bois ou le béton. Ce sont les nuances de couleurs qui se marient assez bien. Nous ne travaillons pas sur des couleurs flashy, tendances aujourd’hui. Nous sommes plutôt dans des couleurs nuancées et légères en cohérence avec l’image du matériau qui n’est pas un matériau tapageur mais discret. Nos couleurs sont donc discrètes.

 

La métropole du Grand Paris a lancé l’appel à projet « Réinventons la métropole » sur 62 sites à Paris et en petite couronne. Comment ces projets architecturaux peuvent-ils s’emparer du zinc ?

On espère et on y travaille. Juste pour votre information, j’étais il y a quinze jour à l’usine de Bray-et-Lu avec le Président de la Société du Grand Paris qui est en charge des 68 gares et plus que des gares. La gare est un objet architectural qu’on vient poser dans un tissu de banlieue. Le projet est beaucoup plus intéressant et plus ambitieux car ils veulent créer des quartiers complets autour de chaque gare en mélangeant les fonctions : commerce, logements, etc. Et là aussi il y a de la place pour le zinc. Traditionnellement, le zinc est sur les gares. Les gares SNCF étaient considérées comme modernes à la fin du XIXème comme le zinc. Si l’on prend la Gare du Nord et les autres gares parisiennes, mais aussi les gares de Tours ou Bordeaux, par exemple, sont des halles en fontes avec des toitures en zinc. On est culturellement associés à ce type de programme et on continue à le faire sous des formes différentes.

J’aime beaucoup la notion de continuité. Le zinc en venant habiller une gare dans une banlieue ou les toits sont en tuile finalement passe bien, avec des pentes faibles. On a fait des gares également au Portugal. J’en ai une en tête avec un toit presque plat, et les pour HLM autour, elle est un bel objet dans un contexte de banlieue.

Oui, les équipes commerciales sont sur le projet du Grand Paris qui est un projet gigantesque en taille. Il représente quinze ans de boulot. On estime, ce n’est pas très modeste non plus, avoir une légitimité et la possibilité de répondre à des enjeux architecturaux et d’intégration. Un des premiers projets du Grand Paris qu’on vient de réaliser ce sont des bâtiments de maintenance qui se trouvent à Porte de la Chapelle, le long des voies de chemin de fers. Ils ont refait un immense ensemble de bâtiments qui va permettre à SNCF de maintenir le matériel roulant.

Nous avons la conviction que grâce au zinc, je l’ai valorisé dans des présentations que j’ai faites en décembre aux acteurs du Grand Paris, nous sommes légitimité dans Paris Intramuros. Déplacer le zinc en banlieue permet d’offrir une continuité et d’aller même plus loin avec les gares. Au travers de l’image d’un matériau, il est possible d’unifier visuellement et d’une certaine manière le bâti. Evidemment, on ne va pas tout couvrir, il faut de la place pour tout le monde. On a rencontré des gens, notamment un cabinet d’architecture ferrier qui a référencé les matériaux pour construire les gares et évidemment le zinc est dedans. Il ne le voit pas uniquement dans une image traditionnelle de toits haussmannien mais dans une image moderne de forme complète.

 

 

A ce sujets, ces projets doivent-ils entrer en continuité avec la tradition des toits de Paris ou s’inscrire dans une démarche de rupture ?

Ce qu’on aime moins c’est quand en banlieue un investisseur fait un bâtiment et que pour faire haussmannien, il incline la dernière partie ou le denier étage pour y mettre du zinc. Il le présente comme un bâtiment haussmannien alors que le toit au-dessus est en fait une toiture étanchéité. C’est du pseudo haussmannien. Ce que je préfère et ces gares sont dans cet esprit-là. Le Président Philippe YVIN, nous le disait : « Nous voulons de la qualité architecturale ». C’est la raison pour laquelle on fait appel à des architectes internationaux qui vont sublimer la réflexion sur la gares. On s’attend à des formes assez complexes. On a vu les premiers projets et plusieurs sont déjà lancés avec des auvents qui forment des grandes sinusoïdes, des sous-faces, etc. Il y a énormément de formes où le métal a vraiment sa place et où les techniques traditionnelles de tasseaux parisiens ne s’adapteront pas. Nous sommes obligés d’adapter nos techniques, je pense notamment aux surtoitures où finalement le zinc n’est plus un élément d’étanchéité mais de décoration : on fait l’étanchéité au-dessous, on isole et par-dessus, pour gérer ces formes complexes, on amène la matière du zinc. Par ailleurs, on fait des toitures avec des bandes qui ont des longueurs largement plus importantes que ce qui est autorisé traditionnellement pour des questions de dilatation. On doit adapter des processus de dilatation soit on dilate dans deux sens, soit on bloque la dilatation. On est sur des réflexions assez poussées et qui font évoluer le produit. C’est ça qui nous intéresse, on a besoin chaque année de quatre ou cinq réalisations qui nous donnent des « coups de pieds au cul ». On les suit particulièrement, on y consacre beaucoup de temps et d’argent en termes de production et de réalisation et mais c’est chaque fois du développement. Souvent sur ces quatre ou cinq projets, on en a un ou deux dont les technologies sont reproductibles et qui deviennent presque des produits de gammes. Je pense à la perforation, par exemple. On a fait des parkings, avec du zinc découpé comme des palplanches, perforé sur une hauteur d’étage. On voit le zinc qui n’a plus de fonction d’étanchéité devenir un élément décoratif, auto-portant sur un programme où l’on ne l’aurait pas imaginé, il y a 15 ou 20 ans. C’est du zinc en forte épaisseur, sur du deux millimètres avec des perforations partout et finalement l’architecte voit le matérieau pour sa qualité visuelle et non pour des fonctions traditionnelles d’étanchéité. D’ailleurs, ce n’est même plus un couvreur qui installe ce genre de façade mais un façadier. Et ce façadier attend de nous un produit prêt à poser.

En disant ce que je viens de dire, vous voyez l’évolution : de quoi on vient, ce qu’on conserve et qu’on soutient mais aussi ce vers quoi on peut aller et en quoi le matériau s’adapte et finalement présente des qualités inattendue pour les façadiers. Je pense encore à la perforation. Quand on perfore des tôles d’acier, on a de la rouille rapidement, alors que quand on perfore du zinc, le trou s’autoprotège. En plus, le produit est léger. Il est donc utile pour ce genre d’utilisation.

 

En tant que chargé de communication de VMZINC vous êtes amené à voyager un peu partout en France et à l’étranger. Les toits de Paris inspirent-ils d’autres villes ?

C’est aussi un vrai sujet. L’Europe en général, au niveau de l’installation du zinc est gérée par des normes et des réglementations précises et qui imposent des standards. Le développement international est très excitant. Par exemple, en Inde où il n’y a jamais un seul cm2 de zinc qui a été posé, c’est intéressant de présenter le produit a des architectes qui vous regardent avec des grands yeux en disant : « mais c’est fabuleux ! » et qui se souviennent de leurs voyages d’architecte à Paris et qui disent « ah oui, le zinc sert aux toits à Paris ! ». Une fois que l’on note leur intérêt, il faut tout de suite se demander comment on va poser le zinc dans ce pays, il n’y a pas un seul couvreur : les gens qui posent du métal posent de la tôle ondulée. On forme donc les installateurs en même temps qu’on séduit les architectes et puis on fait les premières réalisations, on se casse la gueule, on recommence, etc. Au bout de trois/quatre ans, on se démarque et il y a un vrai intérêt. La grande différence dans ces marchés, c’est qu’il n’y a pas de réglementations, pas de DTU, donc ils font avec le produit ce qu’ils ont envie de faire. Le DTU impose des développés de bandes de zinc, du 650 ou du 500, par exemple. Et quelque part, en Europe, personne, ni les architectes, ni les installateurs, ne remettent en cause la règlementation et donc on pose de manière similaire. Là-bas, on envoie des bobines d’un mètre et il y a des transformateurs qui reprennent, qui font du refendage et qui proposent ce qu’on veut. Les architectes peuvent jouer avec les lignes. On commence à voir des réalisations comme par exemple en Australie, en Chine, en Inde où les tracés ne sont plus les mêmes, il y des bandes de 10 cm, des autres de 50, des autres de 30. Et finalement, on arrive à quelque chose qui n’a rien à voir esthétiquement avec ce qu’on connait. On commence même à mélanger du tasseau et du joint de bout.

On prend ça en photo et on relate ça dans nos revues qui sont diffusées. Notre revue Focus On Zinc est diffusée à plus de 60.000 exemplaires, transmis à tous les architectes dans le monde entier. Cela laisse des traces et revient en France et des architectes nous appellent pour nous demander pourquoi c’est possible en Inde et non en France. Il faut donc que soit que nous adaptions notre offre, soit qu’on trouve des relais d’entreprises qui font d’autres dimension de bandes de zinc. En quoi ce qui se fait à l’international a un impact sur ce qui se fait chez nous? On peut expérimenter et parfois, on se plante. Il y a des pays où le bois de sapin, support du zinc n’est pas disponible, par exemple. On pose donc sur des supports qu’on a, parfois ce sont des bois non compatibles et on ne le sait pas encore ou alors on est obligé d’inventer des solutions. Et par exemple, en Inde, on pose du zinc directement sur de la tôle nervurée en acier galvanisé. La tôle remplace la planche en bois et amène une petite ventilation. On fait avec et on pose notre zinc mais le support n’est pas le même. Tous ces éléments viennent très clairement enrichir la réflexion technologique. Nous avons notamment des techniciens internationaux, par exemple sur ces zones, nous avons des employés qui ne viennent pas enseigner le DTU mais comprendre comment l’utilisation du zinc va se passer. J’ai un ami dont c’est le métier et qui me dit : « Parfois, j’arrive sur un chantier en Chine, on me met à disposition vingt ouvriers qui ne savent même pas ce que c’est le métal et le zinc et je dois les former à poser, je prends tout en main. Je leur dis où mettre les machines, où se placer, etc. ». Il organise tout et les forme sur le tas à faire le sertissage, la pose des pâtes, les entourages de cheminées. Et le pire dans tout ça, c’est que le lendemain, ce ne sont plus les mêmes. Il doit s’adapter en permanence. Il est obligé de trouver et de simplifier les techniques et finalement toutes les solutions techniques auxquelles ils arrivent relèvent du challenge. Notamment au niveau des coûts, ils n’ont pas forcément la main d’œuvre.  Ils industrialisent ou anticipent la préfabrication pour que ces ouvriers sans formation aient juste à poser le zinc et n’aient pas à avoir à le plier ou le souder. Il y a un vrai enrichissement de la réflexion technique sur la pose, sur le matériau, sur les usages sans parler des conditions météorologiques. Par exemple, quand vous mettez une lame d’air en dessous du zinc, au lieu de ventiler, vous amenez de l’air chaud ou vous condensez. C’est chaque fois des moyens de faire évoluer le produit et l’offre de l’entreprise. C’est donc très enrichissant et cela fonctionne bien. On fait des réalisations dingues, on valorise des mises en œuvres et des applications qui n’ont plus rien à voir avec un toit parisien mais on est quand même parti de là.

 

Quels sont les plus beaux endroits pour observer les toits de Paris ?

Bonne question. Il ya des endroits pour touristes. On a fait notre soirée grands comptes au premier étage de la Tour Eiffel, on est au centre du monde pour eux. Pour un Chinois, venir à Paris et être sur la Tour Eiffel, c’est un must. On a évoqué Beaubourg tout à l’heure. C’est certainement un des endroits que je trouve parmi les plus intéressants. On est vraiment sur le skyline, ce que j’appelle le « zincscape », le paysage des toits en zinc. Ce que j’aime bien, c’est pouvoir marcher sur les toits, il y a peu d’endroits où on peut faire ça, dans des chantiers, par exemple. C’est là qu’on se rend compte du travail, de la complexité que ça peut avoir et de finalement ce qu’on couvreur doit inventer. Les meilleures vues que j’ai eu c’est en allant dans les chantiers ; vous êtes réellement dans la culture du zingueur. J’ai en tête les cabanes de chantiers, c’est à dire le petit plateau fait avec des palettes et des toitures en plastique où les gars vont manger à midi. Ces points de vue sont inédits et uniques. Ceux qui ont conscience de ça en parlent avec beaucoup de lyrisme, ils ont le sentiment d’être une élite du bâtiment au travers de ces moments-là. Ils sont au-dessus de tout, dans un endroit à risque, car il y a quand même des risques de chutes, ils sont dans des endroits compliqués, ils peuvent glisser, il y a des intempéries. Ils méritent leur statut. Et puis techniquement, il n’y a personne pour leur dire ce qu’il faut faire et ils se retrouvent avec le joint qui tape mal dans la cheminée alors il faut refaire l’entourage ; il y a une tabatière, on ne peut pas la déplacer, il faut faire avec et faire les finitions. J’ai un très grand respect pour les installateurs et les techniciens car c’est une compétence qu’ils ont et qu’ils déploient que personne ne verra à part le chef de chantier ; on doit leur faire confiance. Ça doit tenir ! Un bon zingueur ne reviendra pas sur ce qu’il a fait car ça durera longtemps. Il faudrait que les gens aient la chance de monter sur un toit en rénovation. C’est le meilleur point de vue. Sinon il y a des lieux intéressants comme des restaurants, le restaurant Blanche sur le toit du Théâtre des Champs Elysées. La Tour Montparnasse, c’est une catastrophe, on est au milieu et on est trop haut. Il faut vraiment être au niveau du 4ème ou 5ème étage, pour avoir les plus belles vues. Le Perchoir dans le 11ème, par exemple est un endroit fabuleux. C’est un autre niveau de lecture de la ville. Je connais bien Barcelone par exemple. On voit que les toits sont des fins de parcours, ce n’est pas bien géré, la ville n’est pas belle par le haut alors que Paris présente une certaine qualité du fait du toit à la mansarde. C’est là qu’on peut se comparer à d’autres villes. Dans les villes du sud, où on y vit en été, les toits ne sont pas toujours bien gérés, c’est un peu chaotique. En Italie, il y a ca par exemple, il y a des charpentes posées sur les toits en tuile, les belles villas ont ces espaces pour venir se rafraichir en été, c’est magique mais ce n’est pas toujours bien fait. Ce sont des plots en ciments collés sur la tuile, ce n’est pas forcément terrible. Paris a la qualité de ses toits, malgré des courettes qui ne sont pas très agréables non plus.

 

Vous aimez  le  cinéma. Quelle est  votre  séquence  préférée  sur  les  toits de  Paris ?

Elle est un peu classique c’est celle de Belmondo dans Peur sur la ville. Il y a des séquences incroyables, où il a pris des risques d’ailleurs. Il glisse, on le voit glisser sur des toits en zinc, se raccrocher à la gouttière. Les gouttières tiennent bien. Il y a une gouttière qui tient bien d’ailleurs c’est celle de Monsieur Hire. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette séquence. Michel Blanc qui est au bord du suicide et qui se rattrape à l’onglet d’un chéneau à l’anglaise et on voit tout en gros plan. Il y a plein d’autres séquences, dans la publicité par exemple. Je me rappelle d’une pub pour Yoplait, il y avait une vue dégagée sur Paris et on voit la bouteille de Yaourt qui roule et qui termine dans la gouttière. Récemment, il y a la pub Kenzo avec tous les coquelicots qui est très chouette aussi et qui amène une touche de couleur. Elle fait référence, je trouve, à ce qu’un peintre m’avait dit : « Ce que j’aime dans les toits de Paris, ce n’est pas le zinc, c’est tous les potelets des cheminées. » A titre personnel, il a pu monter sur les toits quand sa copropriété refaisait des travaux et ça a été pour lui une découverte. Il a dit : « Je ne savais pas qu’il y avait une poésie de ces potelets en terre cuite orangée sur fond de zinc. ». Il m’a fait tout un discours et une toile que j’ai dans mon bureau. Il y a des séquences comme ça que l’on se fait un peu soi-même.  Des points de vues, il y en a quand même pas mal, y compris dans les dessins animés. Le point de vue des dessinateurs américains sur Paris à travers les Aristochats ou plus récemment Ratatouille, c’était très bien fait. Il y a toute suite une poésie, surjouée un peu, du Paris d’après-guerre.

 

Avez- vous en tête une citation, un poème, une œuvre d’art qui synthétiserait  l’esprit des toits de Paris ?

Bonne question. On peut revenir au cinéma avec Les 400 coups. Il y a les chambres de bonnes. Moi ce qui m’a le plus frappé à mon arrivée à Paris, ce sont les chambres de bonnes.  La poésie de la chambre de bonne et de ce qu’on voit d’une fenêtre sur les toits. Sans bien savoir ce que le zinc représentait à ce moment-là. Je n’étais pas encore rentré dans l’entreprise. En revanche, je suis désolée je n’ai pas une référence littéraire tout de suite pourtant il y en a.

 

« Paris reste l’écrin du zinc et présente une capacité pour nous de montrer son impact et ses qualités. »